Faites passer le mot

Faites passer le mot

MIROU


Adieu

Adieu, saison lumineuse…

Tes après-midi chauds ont fait place aux vents frais, humides.

Les feuilles mordorées des arbres ont remplacé l’arrogante verdure des parcs.

Tu nous laisseras nous bercer par la voix d’Yves Montand chantant :

« Les feuilles mortes se ramassent à la pelle… »

Tu nous cachais les oiseaux écrasés de chaleur, les voici à nouveau : l’envol des hirondelles, l’approche craintive des rouges-gorges.

C’est un adieu mélancolique mais les prémices de Noël font oublier ce dur cheminement.

 

Mirou

 


29/11/2017
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Alphabet poétique

 

Ah ! le voilà

Bien ficelé

Comme un saucisson

De la charcuterie de la rue

Émile Zola

Formidablement assaisonné

Goûteux

Heureusement parfumé

Il enchante les tables des

Jardins d’été de la ville de Kyoto,

Kyoto, la japonaise

La lumineuse

Merveilleuse,

NEMS, NEMS chéris

Oh ! que nous t’apprécions

Posés là, devant nous

Quel régal des yeux

Régal inégalé

Sauf peut-être détrôné

Tout de même

Une fois ou peut-être plus

Vous devinez ? Par quoi ? Par quoi ?

What’s the question ?

Xérès, ça vous dit quelque chose ?

Y’en a oui, y’en a !

Zut, mais y’a quoi ?

 

 


22/11/2019
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Avec des si...

Si les poissons savaient marcher

Ils aimeraient bien aller le jeudi au marché.

Si les canards savaient parler

Ils aimeraient bien annoncer les faits divers à la radio

Si les escargots savaient faire la bougie

Ils aimeraient bien participer aux JO

Si les ours savaient voler dans les airs

Ils aimeraient attraper les abeille l’été

Si les mouches savaient faire la cuisine

Elles aimeraient bien mélanger de la bouse et la crème dans un même plat.

Si les girafes savaient chanter

Elles aimeraient bien entonner la Traviata le soir

Si les souris savaient tricoter

Elles aimeraient bien offrir un pull au chat

Si les chats savaient cuisiner

Ils aimeraient bien gratter le parmesan sur les pâtes

Si les mille pattes savaient jouer du piano

Ils pourraient d’un seul geste rivaliser avec Ray Charles

 


26/10/2018
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Cartes postales de vacances

«  Coucou Nicole,

Nous devions y aller ensemble…

Eh bien voilà, j’y suis…

Sherman m’accompagne et comme tu le sais, il connaît parfaitement le Népal pour y être allé plusieurs fois… Je me régale.

Nous sommes arrivés il y a une semaine et notre séjour n’a pas de temps mort : les randonnées si spectaculaires, les rencontres avec les népalais si chaleureux qui ne savent comment te faire plaisir et cette culture si riche  qui nous repose de la vie si trépidante lyonnaise.

À projeter avec toi, si tu le veux bien, je suis déjà partante !!

Bises.

M.

 

 

« Chère Dom,

 

Ta carte reçue il y a une semaine m’a transportée dans un univers qui ne m’attire pas vraiment même si je suis sensible aux lieux et aux rencontres que tu as décrits.

J’ai tellement de plaisir à découvrir les provinces françaises où architecturalement et humainement, elles nous comblent, que parcourir des milliers de kilomètres, risquer les maladies, être témoin de la misère du monde ne m’intéressent pas.

Merci d’avoir pensé à moi.

Cordialement.

 


08/05/2018
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Ce que je préfère

Ce que je préfère le plus à toute chose, c’est lire des polars, surtout ceux qui se passent dans le Nord où la nature et les conditions climatiques en ajoutent une couche à l’intrigue :

Cadavres pris dans les glaces, membres découpés retrouvés au fond d’un lac gelé…

Les enquêteurs m’entraînent facilement avec leur mal-être, leurs difficultés à trouver des solutions à leur propre vie, dans des enquêtes impossibles où je porte mes soupçons sur l’un ou l’autr sans être vraiment sûre de la conclusion s’il y en a une.

C’est un peu la vraie vie sans les situations de crime !

Il y a aussi, et c’est ce qui me passionne le plus, ce bain dans une société : la Suède et ses transformations sociologiques, l’Islande et le poids de son histoire.

Indridasson, Mankel, Thoraninson, Camilla Läckberg, merci pour tous ces voyages au plus profond de la nature humaine et de ces lieux insolites.

 


11/05/2019
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Charles Aznavour

Hier encore, tu te hissais sur une scène japonaise et tu t’voyais déjà remplir les salles à Paris…

La bohème, tu connaissais tellement… Mais c’était hier…

J’entends encore ta voix et ne crois surtout pas que je veux te dire adieu. Non, non, je n’ai rien oublié, ni tes talents de comédiens, ni tes emmerdes lorsqu’enfant tu as foulé le sol français.

Jamais tu n’t’es laissé aller.

Et moi dans mon coin, sache que je n’ai pas vu le temps passer et il faut savoir que, comme ils disent, nous nous reverrons un jour ou l’autre.

Alors, Charles, emmenez-moi encore et encore…

 


26/10/2018
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Dans le brouillard

Dans le brouillard s'en vont, deux silhouettes grises.

Elles avancent lentement entourées de cette nébuleuse.

Je chemine depuis quelques jours sur le sentier de Stevenson et escalade actuellement le Mont Aigoual.

Les balises sont là pour indiquer la bonne direction.

Surtout ne pas s’égarer…

Des bruits me parviennent en sourdine : il me semble cependant percevoir des bruits de sabots.

Les arrêts sont fréquents, irréguliers.

 

En réduisant la distance qui me sépare de ces compagnons de voyage que je ne connais pas encore, j’ai cette impression étrange que le héro qui a donné son nom au sentier est là devant moi et que la silhouette trapue à l’allure fantaisiste n’est autre que celle d’un âne.

 

En m’approchant encore, les contours se précisent, et, ce que je perçois, m’étonne encore davantage.

Pas d’équipements généralement rencontrés sur les glaciers alpins, mais une pelisse sommaire recouvre les épaules du marcheur. L’animal, quant à lui, porte une charge impressionnante qui lui couvre le dos et les flans.

 

Je m’approche d’un pas curieux mais craintif, à la fois pour rejoindre finalement ces deux personnages issus d’une autre époque.

 

Et là, la stupeur me fait chavirer, je n’en crois pas mes yeux, mes pupilles se dilatent, jusqu’à mes sphincters qui se relâchent !!

Je suis face aux personnages qui m’ont enthousiasmée six mois auparavant en lisant l’ouvrage de Stevenson :

« Voyage à travers les Cévennes »

 

Mirou

 


29/11/2017
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Dans le métro

MAMIES

Métro A, arrêt Bellecour, les portes glissent et déjà un brouhaha verbal se fait entendre puis pénètre dans le métro, exceptionnellement vide.

Elles sont trois, bien pomponnettes qui se ressemblent étrangement : les cheveux courts aux reflets gris-bleus, les colliers de perles sortis et accrochés au cou pour les grandes occasions, les sacs assortis aux chaussures à talons plats en harmonie avec leur tailleur impeccables.

De leurs yeux vifs, elles scrutent les espaces libres pour être ensemble et poursuivre leur conversation.

« Tu vois, Gisèle, on l’a bien eu, c’était vraiment facile, il suffit de profiter d’un moment d’inattention du serveur et vite se sauver en ayant l’air d’avoir une urgence »

 

DRAGUEUR

Ces moustaches, ces moustaches en point d’interrogation, j’aurais dû m’en douter.

Il est entré nonchalamment dans le métro, sa casquette négligemment posée à l’arrière de la tête.

Et ces yeux, ces yeux d’un bleu transparent, cherchaient un espace ou plutôt un contact.

Ce fut près de moi qu’il s’installa.

Mon trouble aussi s’installa car malgré le nombre de places libres, ses cuisses se collèrent contre les miennes.

Ben mince, il s’est même assis sur ma robe.

Je repris tout de même ma lecture car il faut dire que je lis dans le métro, ça aide !

Ça l’a aidé aussi, il a progressivement penché sa tête au-dessus du livre ouvert…Je me souviens, c’était REVER de Franck THILLIEZ.

Ses cheveux frôlaient les miens.

«  Vous aimez, me demanda t-il ?

- Quoi !… le livre ou la situation que vous me faites vivre ? Le livre, j’adore, mais notre proximité va s’achever là car je descends au prochain arrêt… »

Je me libère en tirant sur le bas de ma robe et quitte un peu troublée cette rencontre inattendue.

 

LES GRANDS ADOS

Il y a la grande perche, écouteurs sur les oreilles, le petit qui suit tous les autres et qui pianote sur son téléphone portable et… l’adolescent de taille moyenne de type méditerranéen à la chevelure brune et bouclée et au sourire imprimé sur sa face qui parle, qui parle encore et déclenche des rires au sein du groupe.

Au départ ils ont cherché un espace pour s’assoir mais se sont résignés à rester ensemble debout pour pouvoir parler et surtout rire ensemble.

Ils n’essaient même pas d’imaginer, de sentir les présences étrangères qui les entourent et cultivent dans ce cocon de bonne humeur une amitié scolaire.

 


01/10/2018
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Ecrire

Je me suis souvent demandée si un jour, je serais capable d’écrire.

Je porte une telle admiration aux œuvres littéraires qui m’emportent loin de mon quotidien à la rencontre de personnages fabuleux aux aventures tellement extraordinaires.

L’histoire a d’abord été mon terrain de découverte favori : les récits sur l’Egypte ancienne, la Révolution et l’influence des sans culottes, l’immigration liée au fascisme, tous ces pans historiques ont nourri ma soif de lecture puis d’écriture.

Ce n’est pas mon grand-père qui m’a initié à l’écriture mais Edith, ma cousine, qui, par ses récits de voyages accompagnés de photos, ont véritablement déclenché ce besoin.

Puis, entre elle et moi, se développèrent des échanges épistolaires ou les accidents de la vie alternant avec les heureux moments nous entraînèrent dans de longs échanges.

Nous nous libérions d’un poids, nous cultivions une espérance, un mieux être.

Nous évoquions aussi les moments de liberté lors de randonnées qui fleuraient bon la lavande. Nous avions envie de partager encore et encore les lumières de fin de journée sur les collines de la Drôme lorsque nous passions nos vacances à Toart, les chants des oiseaux qui, la fraîcheur s’approchant, nous offraient presque un récital de soprano.

Je me rends compte maintenant que ces trop peu d’écrits que j’ai produits restent en moi comme des biens précieux que je garde secrètement.

Même mon chéri, autre être important dans ma vie, n’a aucun droit de regard sur eux !

 


26/10/2018
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Ecriture à moultes mains

 

Je n’arrive pas à faire autre chose : c’est clair.

Pour moi c’est vraiment impossible. Il y en a qui y arrive, même très facilement, d’autres moins…

Certains participent même à des concours. Moi pas. 

Lorsque je me nettoie entre les orteils, c’est tellement essentiel pour moi que je n’arrive pas à faire autre chose.

Et puis, quand j’ai fini, il faut que je me nettoie les mains. Et quand je me suis nettoyé les mains, il faut que je nettoie le lavabo.

Ah ! maintenant, il faut que je rince l’éponge.

Zut ! j’ai touché la poignée de la porte, il faut que la nettoie.

Vite, un coup d’éponge. OUF ! Mais qu’est-ce-que je vois ? Une tache sur mon fauteuil ? QUOI ? Mais ce n’est pas possible ? Ça ne peut pas être moi, je fais attention. Ça ne peut être que mon gros cochon de voisin qui est venu l’autre jour me parler de cet abominable projet de compost collectif.

QUEL HORREUR !!

Toutes ces ordures qui pourrissent ensemble sans la moindre surveillance. Je l’ai laissé dire, je suis polie. J’ai fait tout ce que je pouvais pour respirer le moins possible parce que je suis sûre qu’il est plein de microbes.

Bon, il faut que je la nettoie, cette tache.

Obsédé de ménage, des lieux propres.

J’ai une cousine qui ne peut supporter que l’on éclabousse son carrelage.

Est-ce que cette obsession a un nom ? Est-ce toc ? La peur des tiques aussi en fait partie, elle me poursuit même dans les bois où j’erre en tenue de protection, aspergée à l’anti-tique même sur le chapeau au cas où cette sale bestiole vienne s’accrocher et me sucer sans complexe après s’être repue sur une autre victime. La cueillette des champignons cache de réels dangers en plus de celui de s’empoisonner en se trompant entre une trompette de la mort et un faux cèpe de Bordeaux.

Décidément, on dit qu’elle est un peu toquée !!

Ah non ! ne confondons pas Tic et Toc.

Le tic est une grimace répétée, un geste réitéré plusieurs fois de suite et très souvent, on acquiert des tics en étant maniaque ou obsédé par quelque chose.

Le toc est une phobie d’une ou plusieurs choses :  le toc du ménage, du rangement, du classement, de l’ordre et de la priorité des choses.

Avoir des tocs, n’est pas être toquée, toquée est un mot peu singulier de dire folle, à ce moment-là, ce n’est pas être une phobie mais une maladie.

On est tous et toutes un peu toqués de quelque chose ou de quelqu’un, à savoir si c’est la phobie ou la maladie ?

Ah ! Ah !

AH ! serait-ce la chaleur qui me fait délirer, tous ces tics, ces tocs, ces tiques, ces tictactoc…

Tiens, j’ai failli louper cette tache d’eau sur le carrelage. Tic tac, tic tac, je vois qu’il est l’heure.

Le médecin ne va pas tarder. Toc, toc, toc, ah ! c’est bien ce que je me disais, il est toujours à l’heure.

ET tac, il va l’avoir dans le baba, je ne vais pas lui ouvrir, enfin pas tout de suite, je dois d’abord me laver les mains et aller chercher le gel hydro je ne sais quoi, car il va me serrer les mains et ce n’est pas sain.

Un médecin ne devrait jamais faire cela.

Allez savoir ce qu’il vous amène comme cadeau : mycose, grippe, rougeole…

Toc, toc, toc… Voilà, j’arrive. OH ! docteur, quelle surprise, que me vaut votre visite ?

Aujourd’hui, je dois vous dire que j’ai bien

mais vraiment bien nettoyé entre mes orteils. J’avoue que j’ai été particulièrement attentive à cause de votre venue.

Je dois quand même vous avouer que le mois dernier, un petit citronnier poussait entre le gros orteil et son voisin.

Un citronnier, vous n’allez pas me dire.

Mais… vous semblez surpris, docteur…

Voyez-vous, c’est pour cette raison que maintenant lorsque je me nettoie les orteils, je ne peux faire autre chose !!

 


22/11/2019
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Examen de fin d'année

Inspire, expire… surtout avec le ventre m’a dit Mamie.

Essaie de faire diversion- Ce tas de feuilles, oublie-le un temps- Aménage ton espace : tes jus de fruits, tes compotes, tes m&m.

 

Mince j’ai oublié mon surligneur…Je regarde ma voisine avec un air de chien battu, un peu interrogateur… Rien, elle a démarré, elle !!

 

J’aurais dû mettre un bermuda, ce jean me tient chaud.

Bon ! Allez décides-toi Paul, lis-le cet énoncé !

 


22/11/2019
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Je voudrais tant que tu te souviennes

Oh ! Je voudrais tant que tu te souviennes, mon chéri, la déclaration d’impôts, était normalement rangée dans le classeur rouge, dans le deuxième tiroir à gauche du meuble de mon bureau.

 

Oh !je voudrais tant que tu te souviennes, chéri, nous avions déjà commencé à évaluer, à calculer ce que nous devions déclarer.

C’était simple puisque nous n’avons rien à cacher : les salaires, les dons aux associations, la contribution alimentaire.

Tu t’en souviens !

 

Oh !je voudrais tant que tu te souviennes, Albert, tu avais même noté sur une feuille volante, au stylo rouge, la liste de tous les documents qu’ils te paraissaient importants de réunir pour confirmer nos déductions.

Et je me souviens que tu en étais assez fier.

 

Oh !je voudrais tant que tu te souviennes …

Enfin, quand même, tu avais téléphoné à  « Médecins sans frontière » pour leur demander le justificatif. 

Mais ne fais pas cette tête, tu vois, je n’ai pas oublié, je peux même te donner la date exacte de l’appel.

 

Mais ce n’est pas grave… car je voudrais tant que tu te souviennes que tous ces oublis ne sont rien en regard de l’amour que je te porte. 

 

Mirou

 

 


29/11/2017
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Le cadeau

En ces temps d’allégresse

Où tout le monde se presse

Pour trouver le cadeau

Qu’il soit moche ou très beau.

 

Quant à moi, je vous jure

Qu’en garant ma voiture

J’étais fort ennuyée

De mes clés oubliées.

 

En les récupérant

Au profond du divan

Ce chien en porcelaine

Tiens, ce s’ra pour Hélène.

 

Il change de couleurs

C’est bien là son malheur

Et… en fonction du temps

C’est plutôt délirant !

 

Hélène, passez donc outre

De xylophéner vos poutres

Coupez-le en morceaux

Et ypérisez-le dans l’lavabo !

 

Mirou.

 


26/12/2017
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Le casseur de pieds

C’est un métier bien connu dans le monde des faussaires : Le casseur de pieds.

En effet, comment rendre anciennes et de façon crédible, les sculptures exposées dans les musées.

Car tout le monde sait que ces lieux ne nous présentent pas les originaux mais des copies. Ces dernières sont donc réalisées en plâtre ou en véritable marbre et l’on confie l’authenticité au casseur de pieds.

Ce dernier supprime au burin et au marteau cette partie de l’anatomie. En général, celui qui œuvre ensuite, c’est le casse-tête si nécessaire et ne parlons pas du casse-couilles.

Par contre pour la célèbre Vénus de Milo, c’est une équipe de bras cassés qui a réalisé l’amputation.

 


01/10/2018
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Léonie (70 ans), son village, son journal intime

J’ai croisé Léonie BARBOTON il y a maintenant 3 ans.

Elle parcourait les rue de ce petit village du Jura, avec ses deux paniers toujours plein de provisions, son éternel tablier à carreaux bien ficelé sous sa poitrine et chaussée de bottes en caoutchouc recouvrant des chaussettes épaisses.

Sur sa tête, se dressait, imperturbable, un chignon posé, là, comme une boule de glace dont le cornet se déploierait en une frimousse charnue et rougie par les froids et les vents de l’hiver. Seuls ses yeux dessinaient une fente allongée laissant quand même apparaître la couleur de l’iris d’un bleu glacier.

Il était rare et c’était une chance de voir la couleur des yeux de Léonie. Il semblait toujours que quoi qu’elle fasse, elle gardait ses paupières à demi-closes.

Les Moussières est un lieu caché dans les collines du Jura.

C’est un petit village organisé autour de la place de l’épicerie tenue depuis 30 ans par Jeannot BLANCHARD qui, lui-même a succédé à Camille, sa mère.

On y trouve de tout dans ce lieu, de la vache qui meugle, jouet tant apprécié des enfants de passage, aux meules de comté prenant toutes leur place sur l’étal.

Il y a une église dans ce village, pas très loin de l’épicerie. On en voit juste le clocher, les maisons l’étouffent un peu.

Léonie, la Léonie des Moussières est arrivée là par hasard.

Elle avait rencontré ROBERT au bal du Plantet. Il lui avait parlé de ses vaches, de son beau troupeau durant la valse qu’elle avait accepté de danser avec lui.

Et ça l’avait séduite, la Léonie.

Elle l’avait donc suivi à la ferme des GRANGEON pas très loin de chez les RENARD.

Cette ferme basse n’avait pas beaucoup d’ouverture. Le vent, la brise du Jura, il faut bien s’en protéger.

On pouvait imaginer en entrant, une grande pièce sombre où trônait la cuisinière à bois, les casseroles posées en permanence, les bidons de lait près de la souillarde et le buffet pauvre en ustensiles.

 

11 Mars :

Dire que dans deux jours, j’enterre mon ROBERT. J’réalise encore pas cette chute du toit qui lui a été fatale.

Mais pourquoi donc lui avoir demandé de fixer une parabole près de la cheminée ??

Si on m’avait pas tant parlé de « Plus belle la vie ». Tout ça c’est de la faute à la GUIGUITE avec sa grande télévision presque aussi grande que l’dessus de mon fourneau et en couleur en plus.

Elle me faisait envie la gatte.

Et mon Robert qui ne m’a jamais rien refusé, l’a achetée la télé, avec l’antenne, ça fonctionnait pas…

J’comptais, nos sous tous les soirs pour voir si on avait assez, s’il fallait que je réduise mes achats à l’épicerie… Moi qui aime bien découvrir les nouveautés que l’Jeannot expose.

Et ben, voilà qu’en plus de la télé, va falloir payer l’enterrement de Robert.

J’ai choisi un beau cercueil, du chêne, du brut, découpé dans la parcelle tout près de notre ferme.

Les coussins, je les ai choisi violets, ça éclaire le teint de mon Robert.

Pour la messe, j’ai pas voulu faire comme les Martins  avec leurs chants religieux qui n’en finissaient pas. Ça NON !!

J’ai choisi La Montagne de Jean FERRAT. C’est une chanson qu’il aimait bien Robert.

Je prévois de réunir toute la famille et les amis à la ferme autour d’un bon pot au feu.

En mémoire de Robert, faut bien ça…

12 Mars :

Les officiels sont venus me voir tôt ce matin. Quand je parle d’officiels, je veux dire le Maire et l’instituteur. Le curé ne pouvait pas se joindre à eux à cause du catéchisme.

Ils ont voulu me persuader d’organiser une cérémonie plus officielle avec discours et tralala.

Moi, je me dis que ce serait une sacrée claque pour la Guiguite qui, elle, avait réclamé la fanfare à la sortie de l’église pour les obsèques d’Antoine.

Et pourquoi pas un feu d’artifice pendant qu’on y est.

Enfin, je vais réfléchir… D’un côté, mon Robert mériterait bien tous ces honneurs.

Pendant des années, il a déneigé les rues des Moussières avec son tracteur et, quand il était jeune, il était pompier volontaire et des feux, y’en a eu.

On se demandait même s’il n’y avait pas un incendiaire dans la région.

Pour les honneurs, je crois que je vais accepter.

13 Mars :

Voilà, nous y sommes. Aujourd’hui, je me sépare vraiment de mon Robert.

J’ai choisi, pour ce jour, la robe qu’il m’avait acheté sur le marché le jour de la foire, celle qui a lieu tous les quinze Août.

Elle a des fleurs blanches sur un fond bleu, bleu comme je ne sais pas comment dire.

Les fleurs arrivent à dix heures, il faudra que je sois prête.

ENTERREMENT

Voilà, c’est fait- c’était une belle cérémonie- Il y avait plus de monde que pour l’enterrement du mari de la Guiguite et les discours étaient vraiment bien écrits.

On voyait bien que c’était de mon Robert qu’il parlait.

Même le père BUFFLE et le jeune ÂNE n’en revenaient pas.

Par contre qu’est-ce qu’on a eu froid au cimetière… Tout d’un coup, il s’est mis à souffler, ce vent du Nord qui vous glace les entrailles, même bien couverts.

Heureusement, le pot au feu nous attendait bien chaud, bien parfumé surveillé de près par les deux filles de la Josette.

Je n’ai pas plaint les boissons qui ont bien réchauffé les gosiers…et comme toujours, Albert a voulu une dernière fois rendre un dernier hommage à Robert en chantant « La Montagne » sa chanson préférée.

 


11/05/2019
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