10e jour de confinement (Céline)
Le silence. Le silence apaisant, étrange, menaçant. Puis soudain les oiseaux élèvent la voix, se font entendre, dominent. Les rôles s’inversent. Ils règnent, libres, légitimes. Nous sommes en cage, vulnérables, criminels. Nos barreaux les protègent, notre barreau est sans défense. Ils s’envolent, on s’enlise. Ils chantent, on pleure. Ils se multiplient, on se tue. Ils sont sans rancune, nous sommes pleins de rancoeur.
1er mai confiné (Anne)
Mine de rien
Unique en son style
Prince éphémère
Dans la forêt anis
Se cache le muguet
brin parfumé cueilli
au premier jour de mai.
1er mai confiné (Carole)
- Oui mais, je suis le 1er !
- Y'a pas de mai cette année, que tu sois 1er ou pas.
- Tu es toujours en train de me sonner les clochettes, pourtant c'est
chouette d'être 1er.
- Pas cette année ! Les dix premiers ne seront pas félicités. Par contre
les vingt et un derniers trouveront grâce à nos yeux.
- Oui mais...
- Je ne te le répèterai pas. Cette année ni mai gai, ni muguet.
1er mai confiné (Carole)
Sonnent, sonnent, les cloches de l’église.
Je ferme les yeux et j’entends leurs ding, et j’entends leurs dongs.
Je ferme les yeux et me pelotonne confortablement entre les coussins ouatinés.
Le bruit des cloches se fait plus doux.
Je sors.
Les arbres m’ouvrent un sentier ombragé. J’entends les clochettes s’agiter, je les sens se cacher. Je souris de leur timidité.
À l’ombre d’un saule rieur, j’entrevois une tâche blanche. C’est donc là qu’elles se cachent. Une brise légère les animent, j’entends très faiblement leurs ding et leurs dongs. Ils m’enivrent. Je vois leur odeur, je sens leur bruissement. J’entends leur couleur lumineuse me dire « Viens, n’aies pas peur, cette année est différente mais tu es toujours là, nous sommes toujours là, encore plus nombreuses car personne n’est là pour nous cueillir. Regarde comme nous sommes belles, nous sommes les petites fées Clochette. Notre parfum est gravé dans ton cœur, tu peux t’en aller maintenant ».
La douce mélodie des ding et des dongs intime au saule rieur de refermer le sentier derrière moi.
Je rentre, les cloches de l’église ont cessé de sonner. Ca sent bon.
1er mai confiné (Laure)
Tiens voilà le mois de mai, déjà le mois de mai, nous sommes le 1er mai. Oui mais… nous sommes en mai, joli mois approchant l’été, mais je me sens brisée, fatiguée, vidée. Mais nous sommes en mai et voilà l’été qui pointe le bout de son nez. Le moi de ce mois de mai a pourtant bien mal commencé. Mais merci mai d’être arrivé, car ce moi de ce mois de mai a bien besoin de s’aimer.
1er mai confiné (Mirou)
Le voilà qui arrive
Hésitant
MAI(s) j’ peux v’nir
Mes clochettes sont prêtes
Pas sonnantes, NON
Ni odorantes
Pas pu aller au bois
Même si le loup n’y est pas.
MAI, il paraît qu’on fête le travail,
Oh ! c’est un peu fouaille !!
Mais qu’est-ce-qu’on entend
Dans les rues…Rien…Presque personne
Mais quelle cacophonie !!…
Massacre Avec Indifférence !
Malheur Aux Idéologues !!
Mobilité Aux Illettrés !!!
Motus Aux Ignorants !!!!
Marchez Avec Isidore !!!!!
Il paraît qu’en MAI, on fait ce qui nous plaît
Qu’on peut même se découvrir d’un fil !
C’te blague, mais on s’confine
On chloroquine, on tabagine
On nicotine, On ventoline
Pas vrai, Micheline…
Micheline qui roule sur les ponts… OH !!
Les ponts de MAI : 1er, 8, Ascension, Pentecôte
Pas gêné celui-là avec ses 3 lettres
Minable à côté de septembre ou décembre
MAI(s) le r’voilà
Toujours un peu hésitant et disant :
« MAI(s), j’peux v’nir »
1er mai confiné (Nadia)
Ce muguet du 1er Mai 2020 est le plus beau, le plus rare qui ait jamais embaumé mon salon. Marcel et moi n'avons jamais omis de fêter le plus joli mois de l'année en nous offrant un pot de muguet, avec de belles clochettes et un parfum à faire éclore de la joie dans toute la maison. Pour nous, pas de ces brins orphelins qui rendent l'âme au bout de 3 jours! Nous choisissions un plant avec des racines et nous l'installions dans la jardinière de notre petit balcon. Il faisait notre bonheur pour un moment,ce muguet!
Cette année, je suis seule. Mais j'ai promis à Marcel, dans mon coeur, que le muguet ne manquerait pas ce mois de Mai ni pour aucun de ceux que je vivrai. Seulement, comment faire avec cette horreur de coronavirus et le confinement ? Je me suis tournée vers mon fils mais il m'a rappelé que le muguet ne faisait pas partie des choses essentielles " et puis, a-t-il ajouté, à 48 euros le pot, ce ne serait vraiment pas raisonnable!" . Quand bien même ce serait 100 euros, pensais-je, je peux faire cette petite folie. A mon âge,à quoi sert d'économiser?
Cela m'a fait réfléchir et même donné tout à coup envie de sous-bois,d'odeurs de terre et d'herbe. Le muguet du 1er Mai m'appelait à la liberté,à la fête. Alors, j'ai envoyé un message à mon petit-fils en lui proposant une escapade avec une jolie somme à la clé ( "pour une nouvelle planche") ; Il m'a aussitôt rappelée ; quand je lui ai exposé mon plan, Antoine a éclaté de rire : " Tu me fais marcher,mamie! On peut pas faire ça! Les parents vont me tuer." Mais j'avais pensé à tout.
Antoine est venu me chercher avec son scooter à 1h du matin. L'air était encore doux,on roulait bien serrés l'un contre l'autre,on avait 10 ans tous les deux. Un peu plus d'1h après, par les petits chemins,nous sommes arrivés aux bois d'en Saumont. Nous n'y allions plus avec Marcel qui ne pouvait conduire ( et moi,je n'ai jamais su.). Avec Antoine, on a écouté tous les bruits de la nuit, on a respiré et contemplé les étoiles. Et,délicatement, on a prélevé de quoi faire un beau bouquet de muguet.
Au retour, on a fait très attention parce qu'on avait peur d'être arrêtés par les gendarmes. A ma porte, Antoine m'a embrassée plus fort que d'habitude et m'a dit que,toute sa vie,il se rappellerait cette nuit-là.
En ce matin d'un 1er Mai pas ordinaire,je ne me lasse pas de mettre mon nez dans le muguet que j'ai replanté dans un joli pot à l'abri du soleil . Ses clochettes suavement parfumées me chantent que la vie est forte et qu'il est bon d'écouter son appel.
1er mai confiné (Nicole)
De mes mains nues je t'ai cueilli
pour fêter le printemps
Aujourd'hui je dois prendre des gants
c'est inoui !
je t'ai humé
pour sentir ta délicate odeur
mais tu n'as plus cette senteur
je suis masquée !
je t'offrirai ! promis !
pour embaumer
pour réconforter
le coeur de mes ami(e)s
Brin de muguet
ne sois pas chicaneur
car tu donnes du bonheur
à ceux qui sont confinés
Au printemps prochain
tu reviendras
sans le corona
c'est un brin certain !
1er mai confiné (Typhaine)
Plus que quelques heures avant de tourner la page d’ « avril-ne-te-découvre-pas-d’
Accueillons donc le mois de « mai-fais-ce-qu’il-te-plait » avec cette jolie tradition parfumée, offrons-nous de délicats bouquets de muguet porte-bonheur, nul doute qu’ils seront reçus avec joie et espérons qu’ils tiennent leur promesse et nous aident à construire le monde d’après.
2 mai confiné (Gérard)
2, mai
Le mois de mai , c’et parti !!!
Je promets de te parler du muguet
Pour décorer la table sur laquelle on servira de bons mets, arrosés d’un Gamay.
Des gourmets tout autour de la maie.
Ils habitent avec leur mère, cuisinière
et leur maître attentif
à son régime
Mets tes mains sur la table ; on va s’en mettre plein .
Nous ne voulons pas jouer
à celui qui sera le pus maigrichon.
Trop maigre et on manque la maîtrise
de certaines manipulations
Mais n’oublions pas la cueillette du muguet.
Car c’est le mois de mai.
21 avril (Thyphaine)
Sixième semaine de confinement, et je dois dire que nous vivons ici, maintenant, des jours heureux. Comme pour tout un chacun, ce temps de réclusion forcée devient source de changement intérieur.
Hors des contraintes habituelles, notre rapport au temps change imperceptiblement. Restent les temps physiologiques, manger, dormir, mais les impératifs sociaux s’amenuisent, et nous gagnons au passage souplesse et légèreté ! Dès lors, notre vie d’avant me semble bien dérisoire en ce qu’elle est trop rapide, trop remplie…
Je me disais « fille de la ville » et je découvre ici l’émerveillement d’un jardin au printemps ! Je suis fascinée par la floraison des arbres fruitiers, puis par ces promesses gourmandes qui succèdent à la beauté éphémère et subtile. Je regarde les enfants cueillir des pissenlits, se rouler dans l’herbe, s’inventer des cabanes, quelle dérision de les faire grandir en ville avec le gris du béton pour seul horizon..
Et puis, nous sommes reclus ensemble, tous les six ! Occasion unique qui nous est donnée de vivre ainsi en autarcie dans la famille que nous avons construite. Il nous aura parfois brièvement manqué un peu d’espace pour aller changer d’air, pour se nourrir au contact de l’autre et de l’ailleurs, mais quelle chance immense d’être ensemble ! Les enfants n’auront jamais autant profité de leur père, et nous tous des joies simples d’être simplement ensemble pour partager le quotidien.
Rien ne sera jamais plus comme avant, mais aurons-nous la force de poursuivre le changement ?
4 avril 2020 (Typhaine)
"Le monde se cloître, sans talent pourtant pour la prière, et le présent se rétrécit", avec quelle puissance Wajdi Mouawad nous rappelle combien nous avons exclu le spirituel de nos vies et combien cette situation de retour imposé en soi-même peut être épreuve pour certains... Toutes proportions gardées, mes enfants rapprochés et le temps que j'ai choisi de leur consacrer ces dernières années m'ont comme entraînée au confinement et à une vie tournée vers leurs besoins impérieux et insatiables! J'imagine combien cette confrontation imprévue et imposée doit être violente pour certains parents... Et comme le petit garçon qui aimait les bombardements en ce qui lui permettaient de retrouver sa jeune amie, je goûte avec indécence au soleil qui nous bénit, tous les six ainsi rassemblés...
A la façon d'Eluard
Dans ma tête, il y a une idée
Dans cette idée, il y a une envie
Dans cette envie, il y a l’évasion
Dans cette évasion, il y a de l’oubli
Dans cet oubli, il y a Toi.
Sur toi, il n’y a plus rien,
Sur ce rien, il n’y a plus que Moi
Moi qui ne voulais rien
Rien que Moi, pas sans Toi
Toi que j’ai oublié
J’oublie de m’évader
S’évader sans envie
Envie d’avoir l’idée
De t’avoir dans ma tête.
A la Noël
A la Noël il y a toujours un truc à faire
Une dinde à farcir, des marrons à peler
A la Noël il faut faire des fruits déguisés
Des sablés décorés et une bûche glacée
A la Noël il y a toujours un truc à faire,
Des cadeaux à dénicher, à emballer, à espérer
A la Noël il y a des traditions
des attentes, des déceptions
A la Noël,
quand on a une famille
A la Noël,
on espère qu’ça s’passera bien
A la Noël on veut de l’authentique
Du feu dans la cheminée, des chaussons sous le sapin
A la Noël, on rêve de fantastique
Que tout soit merveilleux, idyllique et féerique
A la Noël on dit qu’on voudrait rester
Sortir du quotidien, raz-le-bol du train-train
A la Noël il y a tellement d’attentes,
d’attendus et d’obligés
A la Noël
On fait comme si tout va bien
A la Noël
On dissimule sous le tapis les tracas les disputes
A la Noël la nuit on attend le Père-Noël
On lui met une tasse de lait, et aussi quelques biscuits
A la Noël dans mon lit, je n’arrive pas à dormir,
Je ne fais qu’imaginer ce que je trouverai dans mes souliers
A la Noël c’est à l’aube que se lèvent les enfants
Ils piaffent d’impatience et nous tirent de sous la couette.
Pas moyen de dormir, va vraiment falloir s’lever
A la Noël la journée passe vite
A la Noël on pense à l’année prochaine
A la Noël, j’ai envie de changer d’vie
A la Noël je voudrais que tout soit possible
Etre ici et puis là-bas, vivre le blanc et même le noir,
abolir les contraintes, et ne faire que ce que je veux
A la Noël, entends-tu dans le lointain les clochettes du traîneau
A la Noël, est-ce mon rêve qui s’émerveille et puis qui tintinnabule ?
A la poursuite de Christopher
Christopher et moi rions de nos retrouvailles. Je le reconnais bien, souriant, semblant à l’écoute, parlant un très bon français avec un accent typique de Dublin. Il me raconte son mariage, l’arrivée de ses enfants, ce qu’ils font aujourd’hui. Je le sens heureux, calme, serein, entamant une retraite bien méritée. Il regarde sa montre, s’excuse mais doit rejoindre une personne avec qui il a rendez-vous. Nous échangeons nos numéros de téléphones.
Il part donc, quitte la place et soudain, je ne sais pas ce qu’il me prend, je me mets à le suivre, comme saisi par un doute. Je trouve bizarre ce rendez-vous avec un inconnu, et j’ai senti dans le ton de sa voix comme une gêne.
A l’angle de la place, je le vois, marchant tranquillement. D’un coup, il s’arrête devant une billetterie, attendant son tour. Je change vite de trottoir pour ne pas me faire repérer. Il retire de l’argent, regarde autour de lui et repart en direction du pont. Il y a moins de monde. Il faut que je sois vigilant et prends donc mes distances car rien ne me permet de me cacher. Il se retourne. Sur l’autre trottoir je me baisse comme l’éclair derrière une voiture. Je me sens vraiment mal à l’aise mais j’ai toujours ce doute qui persiste. Je me relève doucement, le vois tourner à droite, sur la rive du fleuve. Mais que va-t-il faire par là-bas ? Ça va être difficile de le suivre à ce niveau. Il me vient alors l’idée de marcher sur le quai qui surplombe la rive. Je m’approche du bord et le vois qui accélère son pas vers une personne attendant plus loin.
Mais ? C’est une femme qui court vers lui, l’enlace et l’embrasse si tendrement que je tourne la tête. Qui est cette femme ? Je suis stupéfait. Une demi-heure plus tôt, il me parlait de son épouse et ses enfants.
Bras dessus, bras dessous, ils partent en direction d’un escalier qu’ils empruntent pour rejoindre le quai. Je profite d’une camionnette pour me faire discret. Ils continuent à l’opposé de la ville, s’arrêtant de temps à autre pour s’embrasser. Mais il est fou, il pourrait rencontrer son épouse sur le chemin, à moins qu’il sache qu’elle n’est pas ici en ce moment. Ils continuent sur les quais et accélèrent leurs pas. Elle se retourne, je me baisse de nouveau derrière une voiture mais je crains qu’elle m’ait vu. J’attends un peu et derrière la vitre je les vois tourner à droite, vers la piscine municipale, puis encore à droite. Ils rentrent où ? Un petit hôtel. Ce n’est pas possible, en pleine journée ! Je m’approche, salue le jeune homme à l’entrée, et entends des rires dans l’escalier. Je luis dis que je dois rejoindre mes amis ; il me laisse monter. Je les suis sans les voir mais les entends. Ils montent au second et ouvrent la deuxième porte à droite. heureusement il y a de la moquette qui atténue le grincement du parquet. je me poste derrière la porte et les entends rire de nouveau, puis c’est le silence qui laisse place à de profondes respirations. Je m’éloigne alors, surpris. Je me remémore le Christopher que je connais et n’imagine pas un instant cette relation quand je l’entends parler de sa famille. Je descends doucement, abasourdi et croise le jeune homme qui m’interroge :
« vous avez pu voir vos amis ? »
« oui, merci ; ils viennent souvent ici ? » ai-je le culot de demander.
Le gardien me répond en souriant, avec un ton évident : « oh oui ! Ils ont connu mon père ».
Je cherche une chaise et m’appuie contre le comptoir.
« C’est-à-dire ? 10 ans ? 20 ans ? »
« Oh, beaucoup plus ; je n’étais pas né »
« Vous avez quel âge ? »
« 35 ans ».
Les bras m’en tombent.
Je retourne au café et demande un rhum brun, allume une cigarette, les pensées embrumées.