Faites passer le mot

Faites passer le mot

SANDRA


A la saison des marguerites

Dans « A la saison des marguerites », on y trouve argent, histoires de famille, jalousie et meurtres. Sur l’île de la Réunion, l’inspecteur Toby doit dans un premier temps enquêter sur l’étrange disparition de Claudine, riche héritière d’une famille exploitant la canne à sucre depuis 200 ans. Il découvre que sous le bonheur de façade, l’entreprise était en difficultés financières et que Claudine s’apprêtait à quitter l’île. Son corps est retrouvé une semaine plus tard aux pieds d’une falaise, un bouquet de marguerites sur la poitrine.

 

S.G.

 


29/11/2017
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Acrostiche

Jamais je n’irais à Marseille

Et encore moi à Pampelune, pour y entendre des chouettes

Ululer toute la nuit, des taupes jouer du

Xylophone et des chats des maracas.

Outrage et tintamarre

Loin de tout ce bruit, je préfère rester sur mon bateau

Y regarder des clairs de lune

Mourir, orangés dans l’océan

Puis naviguer au gré des marées

Imperméable au temps qui passe

Quelle que soit mon humeur ou la force du vent

Ultra calme ou déchaîné

En mer, je vivrais et

Suivre mon cœur, j’irai.

 

Sandra Gaffié

 


24/10/2017
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Barbe à papa

Oh, je voudrais tant que tu te souviennes de la barbe à papa que tu avais dévoré sans même regarder où tu avançais. J’aimerais tellement que tu te rappelles de tes premiers pas, de tes premiers sourires, des fois où tu t’endormissais tout contre ma peau. Et puis, de la fois où tu t’étais précipité dans la cage d’escaliers et avais crié « ascenseur » parce que je t’avais demandé d’appeler l’ascenseur. Je voudrais tant que tu te souviennes de nos éclats de rire dès qu’on disait de longs mots (riquiqui, minuscule) pour parler des trucs tout petits. J’aimerais tellement que tu te rappelles la foule innombrable de toutes ces choses qui devenaient « tes préférées ».

Tu vois, je n’ai pas oublié tes abandons de bonbons et sucettes léchouillés parce que « c’est bon, mais quand même, c’est trop long ». Je n’ai pas oublié tous ces « je t’aime » chantés à tue-tête lors de nos ballades dans les bois, je n’ai pas oublié nos descentes sur les fesses de la dune du Pilat ni nos danses endiablées sur des rythmes brésiliens, ni tes larmes de rire et de joie et surtout de vraie mauvaise foi. Je n’ai pas oublié qu’au fond, tout ça, c’était toi, c’était moi.

 


29/01/2018
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BD

  • T’as vu, il est encore là ce matin ! Décidément, il ne s’en remettra jamais. Et puis il a l’air bien mal en point, tout perdu dans ses pensées. »
  • C’est sûr ! Je ne sais pas d’où lui vient cette manie de venir toujours au parc tôt le matin. 
  • Tiens, regarde, je te parie qu’il va aller s’asseoir sur le même banc.
  • Mireille, faut qu’on fasse quelque chose. Notre arrière-petit-fils déprime totalement. Faut qu’on l’aide. Certes, elle l’a plaqué de manière cavalière mais ce n’est pas la fin du monde.
  • Ernest, il retourne sur le canal. Ça me fait peur toutes ces histoires. J’ai l’impression qu’il a des idées noires. J’espère qu’il ne va pas faire de bêtises, il a toute une vie à vivre ! Et si on lui faisait une petite blague ou alors on arrange un RDV avec une femme, sa jolie voisine du 3ème par exemple…
  • M’enfin ! C’est assez culotté et techniquement, je ne sais pas si c’est possible.
  • Oui alors la technique… tu sais ce que j’en pense ? On sort toujours cet argument quand on n’a pas trop envie. Moi je dis que ça lui ferait un bien fou, elle est jeune et pétillante, jolie comme un cœur. Ca nous ferait des arrières-arrières-petits-enfants magnifiques.
  • Vu sa mine, pourquoi pas ! Tu as un plan ?
  • J’ai ma petite idée… Viens, on a pas mal de choses à préparer pour pouvoir décocher nos flèches. En plus, on va bien s’amuser.

 


23/06/2018
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Cucurbitacé

« Cucurbitacé » dit-elle en plissant les yeux. Le caramel qu’elle avait dans la bouche la faisait zozoter. « Dépêche-toi ma grande, on va être en retard. Tu finiras ça en rentrant » lui dit sa mère en attrapant l’étui de son violon. Justine, du haut de ses 4 ans, semblait amusée et prête à donner une leçon académique sur les courges et concombres plutôt que de parfaire ses staccatos. L’enfant prodige n’était pas décidée. Aujourd’hui, elle jouerait une autre partition, elle ferait l’enfant. Et elle aurait précisément 4 ans. Avoir une âme si grande dans un corps si petit peut occasionner bien des surprises.

 

 


24/10/2017
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Dakar, un marché

Quand j’étais gamine, j’adorais aller au marché. Je saisissais la moindre occasion pour accompagner un adulte y faire ses emplettes. A peine avais-je entendu « Suzanne, il nous manque du sel » de ma mère que j’enfilais mes chaussures et attendais la domestiques près de la prote. Nous descendions les quelques rues qui nous séparaient de ce marché en totale discorde. Moi, d’un pas pressé et agité, elle d’une nonchalance effarante. Avant même d’avoir rejoint les premiers étals, nous étions accueillies par toutes les radios allumées des vendeurs de CD, postes et téléviseurs. Les portes des boutiques métalliques étaient grandes ouvertes et recouvertes de jouets colorés. Souvent, on y distinguait à peine le vendeur assis sur un tabouret haut, la tête se confondant dans la myriade d’objets. Comme ils interpellaient souvent Suzanne, dont la démarche chaloupée, faisait tourner les têtes et balançait gracieusement son imposant fessier, j’étais forcée d’accélérer. Venaient ensuite les étals des vendeuses de produits cosmétiques. Un vrai délice. Des petits vitrines renfermaient de si belles promesses : teint clair et uniforme, cheveux lisses et disciplinés, sourire éclatant… Suzanne, s’y sentant plus à l’aise, s’arrêtait discuter avec les vendeuses. J’en profitais pour admirer les perles multicolores tout en écoutant leurs éclats de rire rythmer les salutations. De là, nous parvenait déjà l’odeur des épices situés juste derrière…

 


14/04/2018
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Dakar, un marché

Quand j’étais gamine, j’adorais aller au marché. Je saisissais la moindre occasion pour accompagner un adulte y faire ses emplettes. A peine avais-je entendu « Suzanne, il nous manque du sel » de ma mère que j’enfilais mes chaussures et attendais la domestiques près de la prote. Nous descendions les quelques rues qui nous séparaient de ce marché en totale discorde. Moi, d’un pas pressé et agité, elle d’une nonchalance effarante. Avant même d’avoir rejoint les premiers étals, nous étions accueillies par toutes les radios allumées des vendeurs de CD, postes et téléviseurs. Les portes des boutiques métalliques étaient grandes ouvertes et recouvertes de jouets colorés. Souvent, on y distinguait à peine le vendeur assis sur un tabouret haut, la tête se confondant dans la myriade d’objets. Comme ils interpellaient souvent Suzanne, dont la démarche chaloupée, faisait tourner les têtes et balançait gracieusement son imposant fessier, j’étais forcée d’accélérer. Venaient ensuite les étals des vendeuses de produits cosmétiques. Un vrai délice. Des petits vitrines renfermaient de si belles promesses : teint clair et uniforme, cheveux lisses et disciplinés, sourire éclatant… Suzanne, s’y sentant plus à l’aise, s’arrêtait discuter avec les vendeuses. J’en profitais pour admirer les perles multicolores tout en écoutant leurs éclats de rire rythmer les salutations. De là, nous parvenait déjà l’odeur des épices situés juste derrière…

 


14/04/2018
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Danser

Danser, danser et boire la coupe jusqu’à la lie. Presser le raisin savoureux jusqu’à en extraire le fiel. S’en rassasier. En être fière. Partir, courir, se figer, nager, respirer comme des fous. S’exalter. Comme lors de cette féria l’été dernier. Nous avions trop bu.

Nier tout, comme lorsqu’il narra tous nos exploits. « Ne pas s’y fier » avais-tu dit quand le moteur du bateau menaçait de tomber en rade. Dans quel pétrin m’étais-je mis, pensais-je alors, moi la reine de Sabah et de tous les aïs, allais-je vraiment devoir descendre et pousser ?

 

Sandra Gaffié

 


24/10/2017
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Echappée belle. Un jour à la ferme avec Francis

Vindiou ! Il est 4 heures ! V’la ti pas que j’suis déjà à la bourre. Ca a caillé c’te nuit et j’ai eu bien fait de dormir avec ma combinaison sur moi. Puis, ça m’fait gagner du temps. Bon, j’vais aller réveiller les fainéants. Avec eux, on est quand même mal barrés. Ca veut reprendre l’exploitation et c’est pas foutu de se lever tout seul avant 7 heures. Un p’tit coup de rouge et de claquos avant d’enfiler mes bottes. Bon, sont toujours pas descendus ! Oula ! Vont pas me mettre en retard dis donc ! Moi, j’y vais. Ils prendront le train en marche. Trop couvés pas leur mère ces mioches, elle va m’en faire des…

Bon, il doit être 5 heures piles parce que tête de pioche se pointe juste devant la cabine de mon tracteur. Ce clebs a une horloge dans la tête ! Si j’pouvais lui enfiler une combinaison, j’suis sûr qu’il m’aiderait plus que mes 5 chiards réunis.

Punaise, ce serait pas l’Emile qui récolte déjà ? Si, c’est bien les phares de son tracteur. Alors là, il m’épate. Hier soir, on s’en est quand même mis une bonne et il est déjà en train de cueillir ? Ou alors il n’a pas dessaoulé et il est pas encore rentré chez lui. On verra bien. Moi, j’pars secouer mes oliviers et ils ramasseront les filets. Fait déjà chaud dans c’te cabine. J’sais pas si j’vais continuer à prendre le clebs avec moi. Il m’tient chaud. J’espère qu’ils auront pas oublié le panier pour le casse-croûte de 11heures. En plus, j’ai mis d’la saucisse d’hier et un litre de rouge. On verra ce qu’Emile en dira. Après, c’serait bien qu’on passe voir les ruches quand même. Faut que j’commence à leur montrer comment on fait avec les abeilles.

 


01/03/2018
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L'accident

Cela fait des heures que j’attends dans cette salle de réanimation. Je ne sens plus rien. C’est mal éclairé, il fait froid, des machines cliquent et soufflent au rythme de ma respiration. Ca bipe selon ma fréquence cardiaque. Sur ma droite une poche de sang est suspendue à des crochets et glougloute pour m’alimenter régulièrement. Je n’ai pas mal. C’est bien trop tôt. Je sais que bientôt ma vie basculera, comme à cet instant où le camion m’a percuté. Ce matin-là, tout allait de travers. La machine à café avait réclamé un nettoyage, puis craché un liquide insipide. Mal réveillée, j’avais mis deux chaussettes différentes. Puis, en retard, j’avais dévalé l’escalier et traversé en courant. J’étais restée là, interdite une fraction de secondes. Puis la douleur de l’impact. Toutes ces voix autour de moi, la panique, le sang, les gyrophares. « Calmez-vous madame, on s’occupe de vous ». Et dire que maintenant, je n’aurai plus de jambes.

 

 


24/10/2017
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L'anniversaire

Tu sais, je n’ai jamais été aussi heureux que ce matin-là. Encore dans la chaleur de ma couette, j’ouvrais un œil bien avant l’heure du réveil. J’entendais vos pas de ça, de là derrière la porte de ma chambre. Je m’étirais. Puis vos voix en train de chuchoter, d’étouffer un rire me parvinrent feutrées à travers l’oreiller. Je décidais que j’étais un chat, que j’avais tout le temps pour moi. Puis la porte s’ouvrit et Charlie ouvrit les volets et vous étiez tous entrés.

Je me souviens très bien de vous tous, autour de mon lit, avec gâteau et bougies en train de me chanter « Joyeux anniversaire ». Vos sourires et regards complices resteront toujours avec moi. Vos vœux et vos cadeaux m’ont été précieux. Dehors, il faisait gris et froid. Dedans, c’était la joie. Ce jour-là, j’avais dix-huit ans.

 


29/01/2018
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Le grand frère

Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises. Un homme, épaules recourbées, marche lentement en tenant son chapeau dans le creux de son bras gauche. De sa main droite, il tient une vieille dame, vêtue de noire. Ils avancent si lentement que l’on ne sait plus qui supporte qui, et semblent tous deux hésiter à être accablés ou terrassés par la disparition de Raymond. Raymond, c’était tout pour elle. Le fils chéri, celui qu’elle a porté en elle toute sa vie, celui qui l’emporte aujourd’hui. Pour lui, la perte de ce frère, haï et jalousé de si longues années, l’ébranle totalement. Il a perdu son meilleur ennemi, celui par qui il s’était construit et défini.

Que reste-t-il maintenant ? Chancelant, ils s’arrêtent un instant. Elle, le regard errant se pose sur un banc. Elle étouffe et suffoque en dedans. Dehors, un soupir. Lui, entre colère et douleur de l’abandon, culpabilise de l’avoir toujours appelé « serpent ».

- « Plutôt un chameau » lui répondait alors sa mère en riant. « Il joue souvent des mauvais coups mais il n’est pas bien méchant », volant toujours au secours de son fils préféré. S’ensuivait des échanges de regards glacés et diverses mesquineries entre les deux frères.

Aujourd’hui, Raymond est parti. Pour de bon cette fois. Pas comme quand à ses dix-huit ans, il avait prétendu être un homme et aller s’installer chez Paulette, à deux pâtés de maison. Elle n’avait que 16 ans, Paulette et vivait encore chez ses parents. Que s’était-il donc imaginé ? Qu’il allait vivre à grand train sans rien faire ? Le père de Paulette l’avait amené à la mine pour qu’il gagne sa vie et au bout de deux jours, c’était avec l’œil brillant de fierté et de contentement de notre mère lui avait rouvert la porte. Il se tenait là, tête baissée, tout penaud avec ses valises. C’en était fini des belles déclarations d’indépendance, de croire avoir atteint la cime de tout et d’épater la galerie le soir au café devant les copains.

- « Toi, pas un mot ou j’t’en colle une. » siffla-t-il entre ses dents en passant devant son jeune frère. Le ton étant donné, il avait repris sa place et allait continuer à la maltraiter. Bon sang, avait-il pensé ce soir-là, s’il avait décidé de partir explorer le Kilimandjaro, j’aurais eu plus de temps et qui sait, j’en aurais peut-être été débarrassé une bonne fois pour toutes. Il aurait pu perdre la vie lors d’une attaque de sauvages, devenir pasteur et évangéliser les indigènes, vivre des aventures exotiques et se transformer en véritable héros, par la force des choses. Au lieu de cela, sa migration s‘était arrêtée à deux pâtés de maison et il était revenu pourrir le reste de ma vie.

 


29/01/2018
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Le rêve

Cette nuit, j’ai fait un drôle de rêve. J’étais là, assis sur un banc à regarder des fleurs juste en face de moi. Elles étaient rouges, en grappe, ouvertes comme des trompettes. Je les regardais se laisser balancer par le vent de bas en haut, de gauche à droite. Je me rappelle que j’attendais ma mère qui avait rendez-vous avec le curé. J’ai tourné la tête et quand j’ai voulu regarder les fleurs à nouveau, elles avaient disparu. A la place, une joyeuse bande d’écoliers traversait la rue, deux par deux en se tenant par le manteau. De la quiétude du parc, je me retrouvais en plein centre-ville, et même au cœur de Paris. Mais toujours cette inquiétude de ma mère qui n’arrivait pas. Agacé, je décidais d l’attendre dans un café et entrais dans un splendide établissement à la décoration art déco où un saxophoniste jouait du jazz et enchaînait une démonstration avec neuf clarinettes. Le garçon de café approcha et me demanda si je voulais boire un chocolat chaud ou voir le petit chat. Stupéfait par l’incongruité de sa question, je me levais et décidais de quitter les lieux sur-le-champ.

Au moment où je poussais la porte pour rejoindre la rue, je jetais un dernier coup d’œil derrière moi et j’aperçus le même garçon de café en train de m’observer en mettant ses mains autour de ses yeux, comme pour me fixer avec des jumelles. Mais que fabriquait donc ma mère ? Autant de temps avec un curé ? Que diable avait-elle donc fait ? Tout à coup, je la retrouvais le long du canal, assise à côté d’un pêcheur. Elle m’accueillait de son plus beau sourire et me disait qu’ils avaient une grosse prise.

 

S.G

 


29/11/2017
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Lettre à l'été

Mon très cher,

Comme tous les ans, à la même époque, je me sens très peinée de savoir que nous ne nous verrons plus pendant de longs mois. Cris de joie des enfants en entrant dans les vagues fraiches, siestes trop longues où l’on se réveillait tout groggys, soirées passées à bavarder dehors ou à dormir dans le hamac sous les pins. Tout cela va me manquer. Saches que je t’ai bien aimé, mon cher et que je me languis déjà de toi.

Pour tromper l’ennui en t’attendant, nous irons dans la nature, les petits sauteront à pieds joints dans les tas de feuilles mortes et se raviront de les entendre craquer sous leur poids, nous cueillerons des noisettes et je leur apprendrais à aimer l’odeur de la pluie. Ton étreinte chaleureuse a fait place à une fraicheur rousse. J’essaierais de m’en consoler.

 

Sandra Gaffié

 


24/10/2017
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LINDA

Quand Linda ouvrit les yeux ce matin-là, elle n’était que courbatures. Le gala de la veille lui avait certes laissé de merveilleux souvenirs mais ce matin, la douleur lancinait dans tout son corps. Elle tenta de s’étirer mais préféra renoncer pour ne pas aggraver ses souffrances. Elle s’assit au bord de son lit, le temps de récupérer ses esprits, de faire le tri et laisser derrière elle ce qui appartenait au monde du rêve.

Dehors une pluie battante se mit à tomber et fit retentir une mélodie monotone dans toute la maison. Elle frissonna. Se mettant au diapason, elle se glissa sous la douche et laissa ruisseler de l’eau brûlante le long de sa peau. Elle descendit rapidement prendre un petit-déjeuner très léger avant de se diriger vers le garage. Elle desserra le frein à main machinalement, pensant à la nuit du gala. Elle avait dansé d’une envie fiévreuse, d’une folie rageuse, comme si sa vie en dépendait, comme jamais.

Elle avait démarré et s’était arrêtée peu après pour prendre une auto-stoppeuse. Elle n’aimait pas voyager seule, même pour les petits trajets. Alors elle avait trouvé cette combine, et se répétait « Lorsque l’on ne sait pas où l’on va, il faut y aller… et le plus vite possible. » L’auto-stoppeuse racontait sa vie et elle jeta un regard inquiet de l’autre côté du pare-brise. Un véritable tableau de Turner. Une tempête s’annonçait, le ciel était noir et les branches des arbres s’agitaient dans tous les sens par les bourrasques. Les quelques prises d’air faisaient siffler tout l’habitacle. On n’entendait plus rien et la conduite devenait difficile. L’auto-stoppeuse s’était tue, la radio grésillait et les deux femmes avançaient maintenant dans la pénombre. Elle alluma les phares et le reste du trajet se poursuivit au rythme des bourrasques qui déviaient toujours sa trajectoire sur la gauche. Le long de la route, les manchons en tissu rouge et blanc étaient gonflés et virevoltaient comme des cerfs-volants. Une fois arrivées, les deux jeunes femmes éclatèrent de rire car le vent soufflait si fort qu’elles ouvrirent leur portière au prix d’énormes efforts. Linda salua rapidement la jeune fille et se précipita à l’intérieur du gymnase. Elle traversa rapidement les vestiaires, monta les escaliers quatre à quatre, pour vitre retrouver son entraîneur

Elle avait hâte de le voir, de savoir ce qu’il en avait pensé, s’il l’avait trouvé jolie, si elle était parvenue à se détacher et compter enfin à ses yeux. Elle brûlait de savoir si enfin, sur elle, il avait posé son regard. Elle avait tout misé sur la veille. Premièrement, elle avait mis sa plus belle robe. Pas la petite robe noire conseillée par sa mère mais la robe moulante rouge, à paillettes. Deuxièmement, elle avait choisi une musique appropriée : un tango argentin. Troisièmement, elle s’était tournée vers moi au moment où la chanteuse fredonnait « Te quiero, te amo, ven comigo ». Quatrièmement, elle lui avait demandé de monter sur scène avec elle au moment des applaudissements. Cinquièmement, elle en avait profité pour le prendre par la main et la serrer très fort. Sixièmement, elle s’était approchée et avait déposé sur sa joue un baiser indélébile du rouge à lèvres passion qu’elle avait mis. Enfin, elle lui avait susurré avant de redescendre de la scène qu’elle était à son entière disposition. Maintenant, qu’il connaissait ses intentions, elle espérait être accueillie par une déclaration. Peut-être partiraient-ils tous les deux en avion vers une belle destination ? Peut-être se ferait-elle passer un sacré savon ? Peut-être lui dirait-elle qu’il en était hors de question ? Sans doute savait-il savamment se tirer de ce genre de situations… Si son choix se portait sur cette sentimentale, sa soirée s’annonçait sensuelle et savoureuse. S’il souhaitait s’expliquer, elle saurait sagement l’écouter, sans se soucier du reste, elle entra dans son bureau. Là, elle eut une sorte de révélation. Et si tout cela n’était qu’une énième passion ? Et si, comme d’habitude, après toutes ses incantations, tout finissait par disparaître.

Quand elle ouvrit la porte, son cœur battait la chamade. Personne. Encore pire, toutes les affaires du coach avaient disparu. Les tiroirs avaient été vidés et toutes les vestes sur le porte-manteau avaient disparu. Toute la journée, les élèves arrivèrent et elle leur fit la leçon. Sans âme, entendant de loin les compliments sur sa prestation de la veille. Ils étaient tous chaleureux et ne comprenaient pas cet accueil glacial. Quand la nuit tomba, elle regagna le vestiaire et trouva dans sa poche le petit mot qu’il lui avait laissé. Elle l’ouvrit en tremblant et lut : « rejoins-moi à l’aéroport. Prends toutes tes affaires. Mike »

 

 


23/06/2018
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