Faites passer le mot

Faites passer le mot

FRANCOIS


A la poursuite de Christopher

 

Christopher et moi rions de nos retrouvailles. Je le reconnais bien, souriant, semblant à l’écoute, parlant un très bon français avec un accent typique de Dublin. Il me raconte son mariage, l’arrivée de ses enfants, ce qu’ils font aujourd’hui. Je le sens heureux, calme, serein, entamant une retraite bien méritée. Il regarde sa montre, s’excuse mais doit rejoindre une personne avec qui il a rendez-vous. Nous échangeons nos numéros de téléphones.

Il part donc, quitte la place et soudain, je ne sais pas ce qu’il me prend, je me mets à le suivre, comme saisi par un doute. Je trouve bizarre ce rendez-vous avec un inconnu, et j’ai senti dans le ton de sa voix comme une gêne.

A l’angle de la place, je le vois, marchant tranquillement. D’un coup, il s’arrête devant une billetterie, attendant son tour. Je change vite de trottoir pour ne pas me faire repérer. Il retire de l’argent, regarde autour de lui et repart en direction du pont. Il y a moins de monde. Il faut que je sois vigilant et prends donc mes distances car rien ne me permet de me cacher. Il se retourne. Sur l’autre trottoir je me baisse comme l’éclair derrière une voiture. Je me sens vraiment mal à l’aise mais j’ai toujours ce doute qui persiste. Je me relève doucement, le vois tourner à droite, sur la rive du fleuve. Mais que va-t-il faire par là-bas ? Ça va être difficile de le suivre à ce niveau. Il me vient alors l’idée de marcher sur le quai qui surplombe la rive. Je m’approche du bord et le vois qui accélère son pas vers une personne attendant plus loin. 

Mais ? C’est une femme qui court vers lui, l’enlace et l’embrasse si tendrement que je tourne la tête. Qui est cette femme ? Je suis stupéfait. Une demi-heure plus tôt, il me parlait de son épouse et ses enfants.

Bras dessus, bras dessous, ils partent en direction d’un escalier qu’ils empruntent pour rejoindre le quai. Je profite d’une camionnette pour me faire discret. Ils continuent à l’opposé de la ville, s’arrêtant de temps à autre pour s’embrasser. Mais il est fou, il pourrait rencontrer son épouse sur le chemin, à moins qu’il sache qu’elle n’est pas ici en ce moment. Ils continuent sur les quais et accélèrent leurs pas. Elle se retourne, je me baisse de nouveau derrière une voiture mais je crains qu’elle m’ait vu. J’attends un peu et derrière la vitre je les vois tourner à droite, vers la piscine municipale, puis encore à droite. Ils rentrent où ? Un petit hôtel. Ce n’est pas possible, en pleine journée ! Je m’approche, salue le jeune homme à l’entrée, et entends des rires dans l’escalier. Je luis dis que je dois rejoindre mes amis ; il me laisse monter. Je les suis sans les voir mais les entends. Ils montent au second et ouvrent la deuxième porte à droite. heureusement il y a de la moquette qui atténue le grincement du parquet. je me poste derrière la porte et les entends rire de nouveau, puis c’est le silence qui laisse place à de profondes respirations. Je m’éloigne alors, surpris. Je me remémore le Christopher que je connais et n’imagine pas un instant cette relation quand je l’entends parler de sa famille. Je descends doucement, abasourdi et croise le jeune homme qui m’interroge :

« vous avez pu voir vos amis ? »

« oui, merci ; ils viennent souvent ici ? » ai-je le culot de demander.

Le gardien me répond en souriant, avec un ton évident : « oh oui ! Ils ont connu mon père ».

Je cherche une chaise et m’appuie contre le comptoir.

« C’est-à-dire ? 10 ans ? 20 ans ? »

« Oh, beaucoup plus ; je n’étais pas né »

« Vous avez quel âge ? »

« 35 ans ».

Les bras m’en tombent.

Je retourne au café et demande un rhum brun, allume une cigarette, les pensées embrumées.

 

 

 

 

 


16/03/2021
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A la terrasse d'un café

 

Le cabas chargé, je profite d’une chaise qui se libère à la terrasse du café de la mairie. Juste à l’ombre de la colonne en pierre, c'est parfait ; à peine assis, le serveur pressé me demande :

« et pour Monsieur François ? »

« Bonjour, je veux bien une pression ».

Je pose sur la table ronde en bois vernis patiné mon journal un peu froissé et mon paquet de cigarettes.

Le serveur apporte ma bière : « merci » dis-je souriant et détendu.

La place est bondée, c’est jour de marché. Les maraîchers crient, le boucher s’engueule avec un client et le fromager rigole. Plus loin, à l’ombre des arcades, des jeunes chantent quelques chansons d’un répertoire que j’aime tant : Barbara, Brel, Brassens, Ferré ou Gainsbourg. Le soleil s’engouffre dans cette place où se croisent agriculteurs, touristes, éleveurs, vacanciers du coin. Ça grouille sans relâche. 

Je regarde plus précisément autour de moi sur la terrasse où un couple souriant sirote ses rafraîchissements, plus loin une femme guindée essaie de stabiliser la table sur les pavés, derrière rigolent trois potes bien éméchés, à ma gauche c’est un véritable défilé à la pâtisserie, et à ma droite, un homme vêtu d’un costume en lin bleu clair lit son journal, calmement, la pipe entre les dents. Il fume un tabac blond très agréable à l’odeur. Les jambes croisées, je peux mieux voir de belles chaussettes beiges et des chaussures en toile un peu dans le style italien. Son chapeau en lin le protège de ce soleil d’été et laisse entrevoir une chevelure frisée et grisonnante. Ses lunettes de soleil cachent ses yeux mais il me semble avoir déjà rencontré cet homme. Je cherche où j’ai pu le croiser mais ma mémoire a trop chaud. Il ne se doute pas un instant que je le regarde fixement et n’ose pas lui demander si nous nous sommes déjà croisés. A ce moment précis, il se lève, mettant le journal dans sa poche de veste, tirant sur sa pipe et part, laissant un petit nuage de fumée.

Tiens, il boîte. Mais oui, c’est lui ! Je me souviens de sa démarche !

D’une voix soutenue je dis :

« Christopher ? »

Je me lève, il se retourne. C’est lui ! Cet irlandais que j’ai connu il y a plus d’40 ans.

Il sourit, revient et s’assoit à ma table. Nous commandons deux pressions et rions de ces retrouvailles.

 

 


16/03/2021
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Acrostiche de mon état d'âme du jour

Harmonie d’un matin

Envie de suspendre le temps

Une pensée me vient

Rêve arrête le temps

Envie d’être souriant

Une pensée me retient

Xylophone joue sans mains

 


03/10/2020
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Eloge de la lenteur

Quelle heure est-il ?

Je ne sais pas, je ne sais plus.

J’oublie le temps, je n’entends plus le tic-tac.

Je sens l’atmosphère m’envelopper, les odeurs d’humus me caresser les narines, j’entends les oiseaux m’accompagner dans le jardin qui se réveille doucement, pris entre le froid de la nuit et la bruine matinale.

Je salue les arbres où les bourgeons attendent patiemment la douceur de l’air.

Tranquillement, je rentre dans la maison où l’odeur du café m’invite à partager ce moment, calmement, sans que le temps soit conscient.

Mes pensées prennent place doucement, la journée se prépare dans une

respiration lente et profonde. Je peux réfléchir, sans avoir à me soucier du

temps, laissant le passé à l’imparfait et sachant que le futur viendra quand il le souhaite. Je serais prêt pour ce que je désire, le temps voulu. La précipitation n’apas sa place.

La lenteur permet le rythme et non le devoir, permet de respirer et non de

suffoquer. La lenteur permet d’être libre.

 


03/02/2021
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Je pense à l'aurore

Je pense à l’aurore,

mes pas évitent les fleurs,

je pense à mes yeux éblouis par la levée du soleil,

je pense à ma peau fraîche qui sent la caresse de la rosée,

j’avance doucement dans l’herbe mouillée,

je pense aux nuances de vert, si tendre, si jaune,

je pense à la lumière qui embrase l’horizon,

je pense à mon corps qui respire librement,

je pense à mes sens en éveil,

je sens le chèvrefeuille ici, les roses plus loin,

je pense à leurs couleurs, comme un tableau que je peins,

je pense au soleil qui réveille les ombres,

je pense à Eole venu de l’Atlantique,

nous offre cette pluie si chère,

je pense à l’aurore, une nouvelle journée qui s’offre, son cœur battant,

je pense à ce cadeau à plein temps,

la chance de retrouver le soleil, si fidèle,

je pense à l’aurore qui redonne du sens,

j’oublie la nuit et profite du moment,

ce matin je sourie à la vie,

je pense à elle sans penser au lendemain,

je pense à l’aurore de mon destin.

 


25/06/2021
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L'empoisonneuse et Sainte-Rita

Attention à l’empoisonneuse, cette femme aux allures de sorcière, avec ses cheveux ébouriffés et ses yeux ronds exprimant à la fois étonnement et malice.

Au premier contact, elle parait gentille et souriante, puis au fil du temps, son mal être est comme un ver dans le fruit de votre relation. Elle vous considère comme sa proie, elle veut avoir l’emprise, être le centre de gravité. Pour parer à sa solitude, elle tisse tout un tas de relation lui permettant de ne jamais être seule. Mais chez elle, c’est la dépression qui domine.

Un jour, elle rencontre sainte Rita, essayant de l’amadouer, l’écoutant sans vraiment l’écouter. Sainte Rita se rend compte à qui elle a à faire : elle le sent.

Lorsque l’empoisonneuse commence à s’épandre sur son mal être, sainte Rita lui sourit et saisit l’occasion pour lui dire les mots suivants :

« tournez-vous vers les autres avec bienveillance, respect ; laissez votre égo sur le seuil de votre chemin et donner sans compter. »

« Mais c’est ce que je fais ! » s’exclame l’empoisonneuse interloquée avec ses yeux ronds et l’air hébété.

« Alors pourquoi m’évoquez-vous vos problèmes et demandez-vous de l’aide si vous avez la réponse ? » dit calmement sainte Rita avec un immense sourire.

L’empoisonneuse tourne d’un coup les talons et part aussitôt tête baissée.

 


03/10/2020
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Le casseur de pieds

Saviez-vous que parmi les casseurs, certains sont des spécialistes. Vous avez le casseur de vitrines, le casseur de flic, le casseur de banque, le casseur de pierres, le casseur de sucre, le casseur de pieds, etc…

Ce dernier peut se rencontrer partout. En voiture, à vélo, dans des salons, lors d’une fête, à pieds aussi. Bref, partout. C’est sa particularité par rapport aux autres casseurs.

Mais alors, comment casser des pieds en voiture ? Il empêche d’avancer, tout simplement, roule au pas, tel l’escargot du coin. Vous rongez alors votre frein.

Et lors d’une fête entre amis, on imagine qu’il écrase les pieds. Non. Il est toujours à contredire, à vouloir avoir raison avec son air triste ou faussement joyeux. Là aussi, il empêche une conversation d’avancer. Il n’est pas dans l’échange et s’impose où qu’il soit.

Il suffit d’observer un casseur de pieds. Vous lui parler, ses yeux regardent ailleurs. Il parle toujours pour contredire, dire pour ne rien dire. Certains diraient : « il commence vraiment à me courir sur le haricot ».

Le casseur de pieds emmerde le monde pour pouvoir exister.

 


12/05/2019
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Letrre d'Edouard Manet à Emile Zola

 

Mon cher Emile,

 

 

Je suis désolé, je suis obligé d’en arriver à ce que j’aurais voulu éviter entre nous : à vous refuser un service d’argent.

J’avais compté sur le début du printemps pour entamer un triptyque sur le thème des fleurs, mais les Saints de glace ont brûlé mes espérances de découvrir les nouvelles couleurs de cette saison que j’aime tant.

Ainsi, la vente de mes peintures étant retardée, je ne vais pas pouvoir vous serrer la main, la mienne étant encore recouverte de peinture, et Dieu sait si l’huile est difficile à enlever !

Ce qui me désole le plus, c’est de voir que vous vous êtes fait rouler dans la farine par ces Messieurs Lacroix et Kératry qui respectivement, est motivé pour faire commerce et a peu de mémoire pour l’honneur qu’un militaire se doit.

Je tiens donc à vous rassurer que vous avez, à défaut d’argent, toute mon estime et que pour vous montrer ma bonne foi, je vais implorer le soleil de réchauffer et d’éclairer nos jardins si froids et si gris.

Pardonnez-moi et croyez-moi votre bien dévoué.

 

 

Edouard Manet.

 

 


08/11/2020
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Lettre de Geneviève à Jean-Pierre

 

Mon cher Jean-Pierre,

 

 

Dois-je te rappeler que je suis venue te revoir suite à ta demande ? J’ai dû traverser le pays avec pléthores d’attestations pour accéder enfin à ta maison enfouie sous la vigne vierge.

Je suis bien heureuse que tu ais perçu ce respect et cette douceur que j’exprimai et qui me paraissaient importants suite au décès de ta mère.

Dois-je te rappeler que c’est suite à ton comportement que j’ai dû repartir, triste, te laissant seul, déprimé, mais certainement pas innocent et sans défenses ?

Ton autorité, ton entêtement, ta mauvaise humeur permanente, ta colère aussi, m’ont minée, m’ont usée. Je t’ai porté à bout de bras pour te sortir de cette morosité, pour te dégager de ta mère morte, si envahissante, que je ne pouvais même pas te rendre visite, en vain.

Je te demande de retrouver la mémoire, Jean-Pierre, ne serait-ce pour toi, pour que ta personne émerge de cette léthargie si pesante que tu restes au niveau du sol, comme si tu t’y enfonçais, doucement.

Tu me fais de la peine, et mes lèvres tendres t’envoient un dernier baiser d’adieu, en espérant que cette séparation définitive te réveille, t’éclaire comme un sourire que j’aimerais te faire.

Je te souhaite le meilleur.

 

Geneviève.

 


08/11/2020
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Mon Lou adoré

 

Mon Lou adoré, je t’écris en cette matinée d’automne si colorée car je pense à toi souvent et particulièrement à cette heure. Il est arrivé aujourd’hui une chose magnifique et qui en même temps que je t’écris me mouille les yeux. 

La petite Sandra est revenue et je suis heureux de la revoir.  Mais elle est si triste, si meurtrie par ce qu’elle a vécu là-bas en Allemagne. Je t’écris afin que tu viennes nous rendre visite, tes pensées bienveillantes me protégeront avec ta mine si souriante, et tu me réconforteras comme tu sais si bien le faire dans les temps difficiles. Ce matin est très particulier car fort en émotion avec la douce présence de Sandra devenue si grande maintenant, comme toi. 

Ensuite, nous nous sommes promenés au milieu de la campagne maquillée, si belle, avec cette lumière jaune et rasante ; nous avons retrouvé le petit pont en bois où j’ai confectionné un banc, ensuite nous nous sommes assis, sans un mot, nous avons souris et respiré cet air un peu humide avec cette odeur d’humus. Je crois que c’est pour Sandra important de retrouver les sensations d’une jeune femme libre, brisée mais libre. 

Mon petit Lou adoré, j’ai tant enduré pendant cette guerre, comme tu dois l’avoir vécu également.

Te voilà maintenant grand et fort, peut-être meurtris aussi, mais je suis sûr que tu possèdes l’énergie nécessaire pour te redresser et avec ton beau sourire nous éclairer où je me tiens actuellement.

Ce soir si la lune le permet, je me tiendrais devant l’étang, admirant les reflets de la nuit. C’est le thème abordé dans mes poèmes. J’ai envoyé un de mes écrits à un éditeur, comme tu me l’avais suggéré, l’autre à ta tante, toujours très attentive.

Mon Lou exquis, tout était aujourd’hui si calme, si doux. Tu verras, la vie sera meilleure. Tout ira mieux maintenant. La lune qui nous appelle et qui pour moi est représentée par ton visage, tremblait sous le vent du nord, mais éclairait si bien.

Maintenant que te voilà sur notre sentier, Lou aimé, que toute mon affection atteindra, tu seras toujours à mes côtés, quelque soit le chemin. Le mien sera partagé avec toi, avec nos proches.

Je pense à toi souvent, Lou qui sais si bien peindre, Lou que toute notre attention recueillera, je t’adore moi qui suis à la fois ton oncle et ton parrain, comme un père. 

Pense à moi dans cette période du renouveau où tu demeures. Écris-moi comme tu l’as fait si bien pendant l’occupation et l’exode, surtout les premiers jours.

Je t’embrasse mille fois sur tes tendres joues et sur le front, car tu m’as donné beaucoup de bonheurs malgré le décès de tes parents quand je te donnais le gîte et le couvert pendant toutes ces années de ton enfance volée.

 

 

Ton parrain dévoué.

 

 

 


08/11/2020
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Quatre heures du matin

4h du matin, lumière noire, lune blanche,

je cherche dans mes pensées le dernier rêve oublié, celui qui m’animera,

je cherche la respiration dans mes pensées, celles qui m’apaiseront,

j’essaie de sentir mon corps,

de le bouger encore,

j’essaie de quitter la mort,

de retrouver mon sort,

d’un coup le jour se lève,

je reste là et me soulève,

je me quitte et me voie,

mon âme s’envole avec la lumière.

 


03/02/2021
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