TYPHAINE
A la Noël
A la Noël il y a toujours un truc à faire
Une dinde à farcir, des marrons à peler
A la Noël il faut faire des fruits déguisés
Des sablés décorés et une bûche glacée
A la Noël il y a toujours un truc à faire,
Des cadeaux à dénicher, à emballer, à espérer
A la Noël il y a des traditions
des attentes, des déceptions
A la Noël,
quand on a une famille
A la Noël,
on espère qu’ça s’passera bien
A la Noël on veut de l’authentique
Du feu dans la cheminée, des chaussons sous le sapin
A la Noël, on rêve de fantastique
Que tout soit merveilleux, idyllique et féerique
A la Noël on dit qu’on voudrait rester
Sortir du quotidien, raz-le-bol du train-train
A la Noël il y a tellement d’attentes,
d’attendus et d’obligés
A la Noël
On fait comme si tout va bien
A la Noël
On dissimule sous le tapis les tracas les disputes
A la Noël la nuit on attend le Père-Noël
On lui met une tasse de lait, et aussi quelques biscuits
A la Noël dans mon lit, je n’arrive pas à dormir,
Je ne fais qu’imaginer ce que je trouverai dans mes souliers
A la Noël c’est à l’aube que se lèvent les enfants
Ils piaffent d’impatience et nous tirent de sous la couette.
Pas moyen de dormir, va vraiment falloir s’lever
A la Noël la journée passe vite
A la Noël on pense à l’année prochaine
A la Noël, j’ai envie de changer d’vie
A la Noël je voudrais que tout soit possible
Etre ici et puis là-bas, vivre le blanc et même le noir,
abolir les contraintes, et ne faire que ce que je veux
A la Noël, entends-tu dans le lointain les clochettes du traîneau
A la Noël, est-ce mon rêve qui s’émerveille et puis qui tintinnabule ?
A la terrasse d'un café
Ce matin, les rayons printaniers, l’air frais et l’odeur entêtante du lilas, m’invitent à l’insouciance. Faisant fi du labeur qui m’attend et dont la litanie est de toute façon inépuisable, je décide de m’installer à la terrasse d’un café, à l’ombre des platanes de la place. Je sens un sourire radieux s’installer sur mes lèvres, ma respiration qui se calme, mes muscles qui s’apaisent. Je ferme les yeux et laisse le soleil jouer à cache-cache à travers les feuilles, tantôt il caresse ma peau, tantôt la fraîcheur de l’arbre prend le dessus. J’entends alors le pépiements des moineaux devenir si prégnant qu’il couvre le vrombissement des moteurs. De temps à autre, le bruit des tasses de café reposées sans ménagement sur leurs coupelles ; en fond sonore les conversations des uns et des autres, parfois relevées d’un éclat de rire qui résonne sur les murs de la place. L’odeur du café me chatouille les narines quand le garçon s’approche de moi et me tire de ma rêverie en m’interpelant « Et pour madame, qu’est-ce que ça sera ? » Je bredouille, un peu confuse « un café, s’il vous plaît » et tandis qu’il s’éloigne, je pose un regard neuf sur toutes les perceptions aveugles qui m’ont habitée. L’air est plus brillant, tout ressemble tellement à ce que j’ai perçu sans le voir. Tournant la tête, j’aperçois alors un homme qui semble m’observer depuis un moment, qui me sourit, puis se lève.
Un je-ne-sais-quoi en lui m’interpelle tellement que je décide sur le champ que je ne dois pas le laisser filer ainsi. Ses cheveux plus blancs que neige, son sourire énigmatique, la façon qu’il a d’habiter chacun de ses gestes m’attirent irrémédiablement, d’un désir qui n’a rien d’érotique. Je me sens plutôt à l’orée d’un de ces rendez-vous de l’existence qui annoncent amorce d’un changement. Ses pas, mes pas, nos pas donc, nous mènent au bord de la rivière. Je reste discrètement à quelques mètres de lui et l’observe qui s’agenouille au bord de l’eau. d’un geste très lent -cet homme semble habité par le calme et la sagesse-, il plonge sa main dans l’eau et semble parler avec la rivière. Qui sait les secrets qu’elle lui confie ?
C’est alors que je me sens désemparée. Je suis émerveillée par tant de douceur, mais me reproche mon voyeurisme. Comment désormais l’aborder et lui demander d’être mon maître après une telle imposture ?
Acrostiche de mon état d'âme du jour
Rêver d’un nouveau départ
Écouter le frisson du changement
Nourrir l’espoir d’un déclic opportun
Ouvrir mon cœur à l’étendue des possibles.
Une vibration inhabituelle me laisse penser que notre
Vie va changer.
Étonnamment, je n’ai pas d’attente, pas d’inquiétude
Accepter de ne pas savoir, d’habiter
Uniquement attendre, rester disponible, accueillir.
Bébés
Mon homme trouve qu’on a déjà eu trop de bébés. Mon ventre de mère se ferait encore volontiers berceau, mes mains aimeraient recommencer encore et encore la découverte d’une vie nouvelle, peau douce comme de la soie, rires chantant comme une cascade de montagne, mystère d’une vie qui s’inviterait chez nous.
Mon homme trouve qu’on a déjà eu trop de bébés. Il dit qu’il est trop vieux, trop fatigué, pas assez fortuné.
Petit à petit, je vide les placards des turbulettes et minuscules bodys. Peut-être a t-il raison, y a t-il vraiment de la place dans notre grande famille pour le chamboulement d’une nouvelle naissance ? Ne suis-je pas en train de redécouvrir avec délectation le goût de la liberté ? Long chemin pour accepter que la page se tourne. Ai-je suffisamment savouré ?
Alors je hume, alors je touche, alors je ralentis. Je suis là, de plus en plus là. Je me remplis de l’éphémère, il nourrit chaque parcelle de mon être, fait désormais partie de moi. J’aurais d’autres façons d’être mère.
(NB : mon homme a lu ce texte et me précise, je ne trouve pas qu’on a trop de bébés, mais suffisamment...)
Bonne ou mauvaise résolution ?
Imagine... Imagine, tu mets ta culpabilité de côté et tu pars. Imagine, tu t’échappes tout le week-end, hein, pas juste une heure pendant que tout le monde fait la sieste. Imagine, tu arrêtes d’allaiter tes derniers, tu ne remplis même pas le frigo et tu t’achètes un billet de TGV pour Paris. Imagine... Pas de contraintes, pas d’horaires, pas de jérémiades. Juste savourer, minute après minute. Une expo, peut-être ? Un spectacle, sûrement. Un massage aussi, ça serait tellement bon. Couper le téléphone, aussi. Ces instants de solitude seraient trop précieux pour risquer d’être interrompus... En plus, tu sais quoi, ça ferait du bien à ton mari, ça lui permettrait de voir qu’il en est capable, ou du moins ça l’obligerait à apprendre. Parce que tu vois, toi tu y arrives parce que tu es entraînée. Si tu ne le laisses jamais faire, il ne peut pas y arriver. Tu verras, ils seront tous ravis de leur week-end et vous serez contents de vous retrouver.
Bulletin scolaire de Tintin
Français : 18/20 De grandes capacités d’imagination et de narration, continuez à cultiver ce talent, vous irez loin dans la vie.
Anglais : 15/20 Améliorez votre accent
Histoire-géo : 17/20 Adoptez la nomenclature actuelle : les soviets et les helvètes sont des dénominations désuètes. Bravo en revanche pour votre curiosité et vos connaissances sur des régions du monde si différentes.
Sciences : 18/20 Talent de vulgarisateur auprès de ses camarades.
L’aérospatiale et la physique atomique n’ont plus de secret pour nous.
Art-plastique : 15/20 Un bon coup de crayon ! Veillez cependant à varier les vêtements de vos personnages. Améliorez le travail des ombres.
Education civique : 19/20 Grand sens de la camaraderie, de l’engagement et de la responsabilité
Education sexuelle : 14/20 Changez votre regard sur la gent féminine ou vous finirez célibataire
Sport : 17/20 Petit gabarit mais grande foulée
Observation générale : Graine de talent qu’il suffirait d’arroser de quelques gouttes de souplesse et de nuance.
C'est bientôt Noël
En regardant la neige tomber, elle réalisa que c’était bientôt Noël. Elle regardait dans le lointain le village où elle avait grandit et dont les toits se couvraient peu à peu d’une pellicule nacrée. Une année s’était écoulée depuis la mort de ses parents et pour la première fois, elle serait seule en ce jour de fête. Elle n’était pas triste pourtant. Un peu mélancolique, peut-être, mais finalement assez paisible. La neige qui revenait cette année encore lui parlait du cycle des saisons, du cycle de la vie. Elle sentait qu’elle pouvait désormais penser à eux sans que cela ne soit douloureux. Elle avait surtout appris à se rendre sensible aux petits clins d’œil qu’ils lui adressaient depuis l’au-delà. A n’en pas douter, les flocons qui tombaient en tourbillonnant en faisaient partie. Leur danse délicate et leur musique silencieuse l’invitaient à la paix intérieure et l’autorisaient à être heureuse. Elle décida de s’habiller chaudement pour aller faire quelques pas dehors. Soudain, son regard fût attiré par un petit caillou posé sur la neige sur lequel les flocons à peine posés fondaient immédiatement. Intriguée, elle le fourra dans sa poche et se dirigea vers sa boite aux lettres, au bout du chemin. Il faut dire que le facteur n’était pas venu jusqu’à sa petite masure depuis plusieurs jours, n’osant braver les routes verglacées. Elle y découvrit avec surprise une carte de ses amis qui se réjouissaient d’une semaine aux sports d’hiver. Elle sourit intérieurement en se disant qu’il n’était pas nécessaire de faire tant de kilomètres pour goûter aux charmes de la neige alors qu’elle était là, à portée de main ! Elle rentra vite chez elle, raviva le feu dans la cheminée, s’assit sur son fauteuil, un plaid sur les genoux et une tasse de thé brûlant au creux des main lorsque le téléphone retentit. Elle soupira pour la forme d’être ainsi interrompue dans sa solitude silencieuse et paisible, puis son regard s’illumina lorsqu’elle reconnu la voix de celui qui pensait à elle à ce moment précis. Elle prit alors le dernier biscuit qui restait dans la boite en fer blanc, dernière fournée que sa mère avait cuisiné avant son dernier voyage et su que, pour toujours, cet instant sacré aurait ce goût d’éternité.
Cadeau !
Nous voilà tous réunis autour du sapin, foultitude de paquets rassemblés autour des chaussons de toute la famille. Je repère les miens, chauds et douillets, et ce petit présent emballé dans un tissu blanc, joyeusement ficelé avec son ruban doré. J’ignore qui l’a déposé, mais je rêve secrètement qu’il recèle une pilule magique, celle qui me permettrait de dormir enfin une nuit complète, d’accomplir une tâche sans être interrompue. Je tire délicatement sur la ficelle, soulève un à un les pans du velours tout en en appréciant la douceur. A l’intérieur, une boite, blanche elle aussi. Je l’ouvre à son tour et y découvre... une montre... Elle est élégante, épurée, un style à la fois contemporain et intemporel. Mais qui donc a pu penser que cela me ferait plaisir ? Moi qui passe déjà mes journée avec une horloge à la place du cœur ? Moi qui jongle sans cesse avec les minutes insaisissables et toujours insuffisantes ? Moi qui n’ai jamais le temps de finir, voir même d’entreprendre ce que j’aimerai faire ? Quelle injustice, quelle violence d’appuyer ainsi là où la plaie est à vif... J’en ai les larmes aux yeux.
Caligraphie arabe
Tel un trait déroulé à l’infini, il avait tracé des pleins et des déliés qui s’agrémentaient de quelques fioritures aériennes et gracieuses. Son pinceau glissant sur le papier semblait murmurer la musique des mots et cela ressemblait à s’y méprendre à la partition d’un texte sacré. Je me surpris à cligner des yeux, comme si je voulais percer le mystère de ces mots calligraphiés. Je vis alors une file de pirogues, leurs bateliers affairés, soleil couchant et pêche s’annonçant miraculeuse. L’instant était calme, précis.
الذهاب حيث يأخذك قلبك
Carte de France Covid 19 multicolore
France multicolore comme autant de vécus de la maladie et du confinement. Les sociologues ont ainsi cherché à représenter la multitude des ressentis face à la pandémie : composition du foyer (célibataire vs en couple, âge, nombre d’enfants, état de santé, etc), caractéristiques du logement (appartement vs maison, balcon/terrasse/jardin, ville vs campagne, etc), activités professionnelles (secteur de la santé ou métiers de première nécessité, cadre en télétravail, étudiants, retraités, …)
Il aurait sans doute été plus juste de représenter les choses à la manière des pointillistes en utilisant une couleur par individu, mais le rendu bigarré donnait de loin une telle impression d’une couleur caca d’oie, peu encline à l’optimisme, qu’ils ont préféré cette représentation, certes inexacte, mais plus enjouée…
Cette nuit j'ai fait un rêve étrrange
C’était hier, et aujourd’hui. J’étais vieille et enfant à la fois, j’étais même un enfant d’autrefois. Un enfant à la Doisneau, tu vois ? J’étais assise sur un banc je sentais même le rugueux du bois sur mes cuisses et, ainsi que j’avais vu faire des grands, j’embrassais Martin sur la bouche. Il est gentil, Martin, on aime bien faire les 400 coups tous les deux, et là, il était d’accord pour qu’on voit comment on fait un bisous d’amoureux.
Mais, d’un coup, mon rêve a viré au cauchemar ! A peine nos lèvres s’effleuraient que les couleurs douces laissèrent la place à d’autres criardes et agressives. Devant mes yeux, l’image d’un insecte effrayant grossissait, il était menaçant, ironique, persifleur, même. J’ignorais son nom mais je sentais intuitivement qu’il était éminemment dangereux.
L’image tournait en boucle devant mes yeux jusqu’à ce que je parvienne enfin à m’extirper du sommeil. Encore maintenant, je ne m’explique pas le lien entre les deux épisodes de mon rêve…
D'après la photo "Charpy in a cafeteria"
Il avait l’air calme, maître de lui-même, mais derrière ses lunettes noires, il dissimulait la fébrilité et l’impatience qui l’habitaient. Depuis la veille où, d’un geste qu’il ne s’expliquait pas encore, il avait bravé sa timidité et tendu un bouquet de roses à cette délicieuse jeune femme qu’il observait depuis des semaines depuis la terrasse du café, il oscillait entre des états émotionnels diamétralement opposés.
Présentement, son regard était sans cesse attiré par la rue où il espérait la voir à nouveau surgir de son pas gracile et de sa présence lumineuse.
Eloge de la lenteur
Moi toute seule !
Surtout que je n’ai pas l’outrecuidance de vouloir t’aider ! Au lieu d’accélérer le processus, je ne récolterai qu’une crise de rage finalement bien légitime puisque je te brimerai alors dans ta volonté et des capacités d’autonomie.
Je n’ai pas d’autres choix que de respirer profondément et de te regarder avec tendresse.
Les contorsions saugrenues auxquelles tu as recours pour enfiler tes chaussettes me rappellent que je n’ai plus autant d’abdos que toi. L’obstination patiente et minutieuse avec laquelle tu boutonnes ton gilet force l’admiration. La persévérance dont tu fais preuve pour te vêtir de pied en cap témoigne de ta puissance de caractère.
Je me félicite au passage d’avoir sur te laisser faire toute seule, de t’avoir fait confiance et d’avoir eu la patience de ne pas intervenir.
Belle comme un cœur, le sourire de fierté et de joie dans les yeux, tu me sautes dans les bras et tu me sers « fort-fort-fort ».
Je t’aime !
Encore cinq minutes avant que...
Encore cinq minutes avant que ça commence. Il se trémoussait sur son fauteuil de velours rouge, vérifia à plusieurs reprises que son portable était bien éteint, toussait sans en avoir besoin avant qu’il ne soit trop tard. C’était la première fois qu’il venait au théâtre seul, et cette expérience inédite suscitait en lui une fébrilité inhabituelle. Il s’encouragea intérieurement à calmer sa respiration et ses pensées afin d’être entièrement disponible lorsque le rideau s’ouvrirait enfin.
Epitaphe du Père-Noël
Ci-gît le Père-Noël... Après une éternité de bons et loyaux services, il s’est éteint à tout jamais et ne fera plus briller les yeux des enfants. Il était un roi dont les cheveux et la barbe étaient aussi purs que les flocons de Laponie, sa hotte était comme une corne d’abondance capable de faire plaisir à chacun. Il est à craindre qu’Amazon ne puisse jamais égaler la bonté sans limite de ce vieillard jovial et généreux.
Regrets éternels.